Nous sommes internationalistes, mais cela ne signifie pas que nous donnons du crédit aux frontières et aux Etats-Nations : nous ne sommes pas une alliance de nationalismes, mais plutôt un projet transnational, voire anti-national. Nous croyons en une société basée sur un système communaliste et confédéral, dans laquelle l’autonomie populaire n’est pas synonyme de séparatisme ou d’indépendance nationale.
Nous sommes anti-colonialistes, anti-autoritaires et anti-impérialiste. Cela signifie que nous croyons en la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes et à la nécessité de rendre l’exercice du pouvoir politique strictement équitable, juste et horizontal. En ce sens, nous nous inscrivons dans les courants socialistes, communistes libertaires et anarchistes, qui pour nous ne sont pas contradictoires tant qu’ils sont anti-autoritaires.
Nous sommes non-confessionnels, mais cela ne signifie pas que nous combattons les religions et les croyances. La religion n’est pas pour nous une affaire publique et politique, mais une affaire privée et individuelle. Nous refusons de fonder un projet de société sur des identités religieuses ou sectaires et croyons en la nécessité d’un système non théocratique et séculier.
Nous sommes anticapitalistes, parce que nous pensons qu’un système fondé sur la croissance et le profit est contraire à la nature et conduit nécessairement à la destruction du vivant, en plus d’être profondément injuste et individualiste. Nous croyons en une nouvelle écologie sociale fondée sur la préservation inconditionnelle de notre écosystème, une meilleure utilisation des ressources naturelles et l’abolition de toute forme d’exploitation humaine.
Nous sommes féministes et antiracistes, et considérons toutes les identités sexuelles et de genre comme légitimes et incontestables, aucune morale ou éthique ne pouvant être invoquée pour opprimer les choix et désirs individuels de chacun. Nous sommes pour la liberté et la protection inconditionnelle de toutes les minorités sexuelles, culturelles, religieuses, de race et de genre.
Nous sommes révolutionnaires, parce que nous ne croyons pas en une réforme par le biais des instances gouvernementales, électives et représentatives actuelles, qui sont soumises au pouvoir quasi exclusif d’élites politiques opportunistes servant des intérêts économiques privés.
Enfin, nous sommes radicaux, parce que nous nous intéressons à la racine et aux causes profondes des maux sociaux et non à la guérison temporaire ou partielle de leurs seuls symptômes.
Nos objectifs
Nous oeuvrons pour la mise en lien au niveau international de tous les militants et groupes politiques qui partagent nos valeurs, dans la perspective de faire émerger une force commune transfrontalière en mesure d’ébranler le système politique, économique et social actuel, et de le transformer profondément. Nous souhaitons voir l’émergence d’un bloc internationaliste en capacité de faire échouer les logiques politiques des Etats et de mettre un terme à leur domination sur nos existences. Nous voulons pouvoir constituer un rapport de force sérieux face aux impérialismes de toutes sortes, qui conduisent à la guerre et au meurtre de masse de populations civiles.
Et plus que tout, nous voulons changer le monde 😉
LA CHRONIQUE SYRIENNE D’INTERSTICES-FAJAWAT, 21 FÉVRIER 2025
Une transition à durée indéterminée
Le gouvernement de transition a formé un comité préparatoire pour organiser la Conférence Nationale du Dialogue, constitué de 7 personnes, dont 2 femmes. On ne connaît toujours pas la date de cette conférence que tout le monde attend et appelle de ses vœux. Chacun espère y voir une parfaite représentation de la société syrienne, alors qu’aucune information sur sa composition n’a été évoquée, si ce n’est que l’Administration Autonome du Nord-Est Syrien n’y sera pas conviée.
Une première réunion du comité préparatoire s’est tenue à Homs et à réunit 400 participants autour de six axes majeurs : la justice transitionnelle, la rédaction de la nouvelle constitution, les réformes institutionnelles, les libertés publiques et politiques, le rôle de la société civile et l’organisation économique. Notons que le pouvoir de ce comité est purement consultatif et se contentera de transmettre ses recommandations au gouvernement.
Une justice transitionnelle aux contours flous
Au cours de ce mois de février, le massacre commis à Tadamon en avril 2013 a refait surface. Tadamon est un quartier de Damas où près de 500 civils, dont un certain nombre de Palestiniens, avaient été froidement poussés les yeux bandés dans une fosse avant d’être exécutés par balle, le tout filmé par les auteurs du crime. Le 8 février une visite controversée sur les lieux du crime de trois commanditaires du massacre – amnistiés en échange de leur collaboration – en compagnie de deux responsables de la Sécurité Générale, a provoqué une manifestation de plusieurs centaines de résidents du quartier révoltés par la présence de leurs bourreaux. Puis, 10 jours plus tard trois exécutants ont été arrêtés. Le sort du principal auteur des exécutions, qui avait reconnu les faits à une journaliste, reste inconnu.
Par ailleurs l’ambassade de Palestine à Damas, qui a longtemps été critiquée pour sa complicité avec le régime d’Assad, vient de rendre publique une liste de 1794 noms de Palestiniens de Syrie, de Gaza, de Jordanie et du Liban qui ont disparus sous la dictature. Le but de cette publication serait d’aider les nouvelles autorités à recueillir des informations sur leur sort, sans qu’on sache comment l’ambassade a obtenu ces noms.
La question des prisonniers et combattants étrangers, révélatrice des enjeux de la guerre de proxy
L’Algérie est entrée dans la danse des négociations diplomatiques avec Al Sharaa, après avoir été réticente à féliciter le nouvel homme fort de Damas pour sa nomination. Longtemps soutien du régime d’Assad, elle vient demander aujourd’hui la libération de 500 miliciens du Front Polisario capturés à Alep lors de la libération de la Syrie début décembre. Le Front Polisario est la faction armée soutenue par l’Algérie dans le cadre de son conflit avec le Maroc au Sahara Occidental. La présence de ses combattants en Syrie s’explique par le fait qu’ils y étaient entraînés par les forces iraniennes…
Du côté du Liban ce sont plusieurs centaines de prisonniers Syriens qui font l’objet de tractations entre les deux pays. Plus de 2000 Syriens sont emprisonnés au Liban, dont une majorité arrêtés dans le cadre de la « loi antiterroriste » en raison de leur affiliation réelle ou supposée avec l’Armée Syrienne Libre. Une centaine d’entre eux s’est mise en grève de la fin pour exiger son extradition vers la Syrie.
Enfin, et c’est là un enjeu majeur pour la situation sécuritaire de la Syrie et de son voisin Iraqien, des milliers de combattants de l’Etat islamique et leurs familles détenus dans les camps de Al-Hol et Al-Roj, sont en train d’être rapatriés au compte-goutte vers l’Iraq, dont ils sont originaires. Ils s’ajoutent aux milliers de combattants chiites Afghans et Pakistanais des milices pro-iraniennes Fatemiyoun et Zaynabiyoun qui, libres, se sont réfugiés en Iraq depuis la chute du régime, et dont la présence sur place pourrait devenir la justification de nouvelles violences ou frappes aériennes étrangères sur le territoire iraqien.
Les Kurdes sous pression de toutes parts
Alors que le contrôle et la résorption des camps de prisonniers dans l’Est Syrien reste à la charge unique des milices kurdes, cette question est au cœur d’intenses négociations avec le nouveau régime de Damas depuis deux mois. Le risque de déflagration sous la forme de révoltes ou d’évasions massives des prisonniers de l’Etat Islamique est imminent, notamment après que Trump ait stupidement suspendu toute l’aide humanitaire américaine (460 millions de dollars en 2024).
Cette semaine les deux parties se sont rapprochées d’un accord pour l’intégration à la Nouvelle armée Syrienne des combattants des Forces Démocratiques Syriennes (SDF) et des Unités de Protection du Peuple (YPG), ainsi que pour la sortie du territoire de leurs combattants étrangers. Rien n’est clair par ailleurs concernant le sort des Unités de Protection des Femmes (YPJ), ainsi que du projet démocratique et féministe du Rojava à l’issue de ces accords, qui semblent induire un renoncement contraint au fédéralisme, à l’autonomie et à l’auto-défense populaire face à l’impérialisme turc, au nationalisme et à l’islamisme conservateur.
Le leader des Kurdes iraqiens Barzani, ainsi que la France et l’Allemagne, ont plaidé auprès de al-Sharaa en faveur de la protection des populations Kurdes, mais on sait combien les compromis diplomatiques et économiques leur importent davantage que le projet d’émancipation populaire porté par la gauche kurde. Beaucoup parmi ces derniers attendent les conseils et directives du leader kurde Öcalan, qui semble être désormais autorisé à transmettre des messages à ses partisans et fidèles depuis sa prison d’Imrali.
Et la colonie sioniste qui ne cesse de se répandre…
Chaque semaine Israël avance en territoire Syrien, cherchant visiblement à s’emparer de toutes les ressources en eau de la région (Mont Hermon, Bassin de Yarmouk, Réservoir de Al-Mantara). Sept nouveaux villages ont été occupés et l’armée d’occupation a installé six postes militaires supplémentaires. En parallèle l’aviation a bombardé l’aéroport militaire Syrien de Khalkhala et un dépôt de munitions au Sud de Damas, prétendument utilisé par le Hamas. Cette allégation grotesque fait abstraction totale de la situation syrienne et des relations complexes entre le Hamas et les nouvelles autorités Syriennes : plus c’est gros, mieux ça passe, d’autant plus face à une communauté internationale désormais habituée à laisser les pyromanes Netanyahu et Trump faire ce qu’ils veulent.
C’est d’ailleurs dans la perspective d’une stratégie conjointe des Pays Arabes face à l’expansionnisme et au nettoyage ethnique mis en place par les Etats-Unis et Israël que doit se tenir une rencontre de la Ligue Arabe au Caire le 27 février prochain…
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