Analyses et Réflexions Police • Répression Féminismes • Patriarcat

#MeTooPolice : des forces de l’ordre s’en prennent à des femmes interpellées ou détenues

Sous le contrôle de policiers et de gendarmes, des femmes interpellées ou détenues subissent des violences sexuelles. Acculées lors de contrôles routiers, au dépôt ou en garde à vue, elles sont victimes de chantage au viol et peinent à être entendues, tandis que leurs agresseurs invoquent un consentement illusoire pour échapper aux sanctions.

Article initialement paru sur le site de disclose.ngo

Dans une geôle aux murs décrépits, face à une porte aux barreaux jaune vif qu’elle distingue à peine dans la pénombre, Angélique est en larmes. Ce jour de juin 2018, au sous-sol du tribunal de Toulon où elle attend son jugement, la femme de 36 ans vient d’apprendre qu’elle va être incarcérée. Depuis sa cellule, elle implore de pouvoir appeler sa fille de 12 ans pour la prévenir. Un policier finit par ouvrir la porte, mais plutôt que de la conduire dans une salle équipée d’un téléphone, il l’emmène aux toilettes du personnel. Là, Claude M., brigadier-chef de 55 ans, la fait asseoir sur une cuvette, baisse son pantalon et lui impose une fellation en ordonnant : « Fais la gicler cette salope », avant d’ajouter : « Après tu pourras téléphoner. »

Quelques jours plus tard, en détention provisoire à la prison des Baumettes, Angélique se confie à un psychiatre et un conseiller d’insertion. Ils qualifient ce que la détenue peine à formuler : elle a subi un viol. La mère de famille se décide alors à porter plainte. « Je savais que ce n’était pas normal ce que j’avais vécu, mais ils m’en ont fait prendre conscience pleinement », précise-t-elle aujourd’hui à Disclose. L’enquête contre le policier en poste au dépôt depuis 2008 est confiée à l’IGPN, qui envoie un appel à témoins à toutes les femmes passées par le dépôt du tribunal de Toulon entre 2017 et 2018.

Parmi les destinataires de ce courrier laconique, il y a Kassandra, 21 ans, et mère de deux enfants. Quand elle découvre que la police des polices recherche des femmes « témoin d’un comportement anormal », elle décroche son téléphone.Elle aussi a été la cible du brigadier-chef, à deux reprises. La première fois, en 2014, elle a dû endurer son harcèlement sexuel : « T’es bonne » : « Si je t’emmène fumer, tu me suces ? » « Je venais d’avoir 18 ans, j’étais très impressionnée. Je n’étais pas capable de répondre », se remémore-t-elle.

La seconde fois, c’était en 2017 : « Je te baiserais bien », lance Claude M., avant d’uriner dans la geôle voisine en lui disant qu’elle n’est qu’« une connasse qui va finir en prison. » Pourtant, avant d’arriver au tribunal, Kassandra avait confié sa crainte de le revoir à deux policiers. Elle avait aussi alerté la seule policière présente au dépôt ce jour-là du harcèlement dont elle venait d’être la victime. Furieuse de constater l’inertie des collègues, la confidente de Kassandra marque le coup en rendant son arme à ses chefs. En vain. Aucune mesure de précaution n’est mise en place… Jusqu’au dépôt de plainte d’Angélique, un an plus tard.

Chantage au viol ou à l’agression sexuelle

En 2021, devant la cour d’assises du Var, Claude M. se défend en invoquant un prétendu « jeu de séduction réciproque » avec Angélique et parle de son « comportement provocateur et aguichant ». Mais, confronté aux éléments de l’enquête, dont les témoignages de deux policières qui l’accusent d’exhibitions sexuelles et de harcèlement sexuel, le fonctionnaire finit par reconnaître les faits. Claude M. est condamné à douze ans de réclusion criminelle. Pour le viol d’Angélique, d’une part, mais aussi pour celui d’une femme trans travailleuse du sexe passée, elle aussi, par le dépôt. « Voir qu’il y avait d’autres victimes m’a prouvé que je n’étais pas folle, qu’on me croyait face à un policier », souffle Angélique. Le fonctionnaire a également été reconnu coupable de harcèlement sexuel sur trois autres détenues, dont Kassandra.

Entre 2012 et aujourd’hui, Disclose a identifié 30 femmes victimes de violences sexuelles par des policiers et gendarmes lors d’un contrôle d’identité ou une interpellation. Avec un chantage au viol ou à l’agression sexuelle systématiques. Comme pour Angélique et Kassandra, ces actes perpétrés par un agent armé ont eu lieu au dépôt d’un tribunal, dans une cellule, mais aussi dans le cadre de contrôles routiers. En dépit de l’ampleur des violences, pas le moindre texte législatif, réglementaire ou déontologique n’interdit à un policier d’avoir des relations sexuelles avec une personne sous sa surveillance. Aucun écrit ne formalise l’impossibilité de consentir librement dans ce contexte. Autrement dit, il revient à la victime déclarée de prouver la menace ou la contrainte. Comme souvent pour les crimes sexuels, les agresseurs profitent de cette faille : d’après notre enquête, plus des trois quarts d’entre eux se défendent en invoquant un prétendu consentement.

La suite de l’article est à lire sur le site de disclose.ngo

Proposer un complément d'info

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Se connecter
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.