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Les mondes de bob

Territoire de Belfort

Extraits d’un livre en cours

Bob est en ville, au milieu des voitures. Au milieu de sa tête, des petites traces de sang. Il tente de rester debout au milieu des trottoirs. Bob est dans les nuages : « Est-ce que tu veux manger une crêpe ? Bob, tu es dans les nuages », dit-il. « Dans la rue, j’ai l’impression d’être une grosse mouche ; il y a des navettes IKEA, des cars de CRS et des clairons. » En face, la manifestation prend forme. Pendant une demi-seconde, il a trouvé magnifique d’avoir le choix, puis il a hésité, mais il n’a pas sauté dans la navette pour aller faire le poète ailleurs ; il est resté là, au milieu. En face, il y a une grosse photo, une grosse affiche. On peut faire la roue sur son lit, mais peut-on faire la révolution au lit ? Sur la grosse affiche, il y a une grosse tête qui nous parle : « J’ai révolutionné le monde de la literie ». C’est magnifique de savoir où on va dormir. Je n’ai pas sommeil, c’est quoi cette odeur ? Un nuage approche.

Sur le mur aussi, « la ZAD est partout » est écrit. « La Terre, ZAD de l’Univers », on devrait plutôt dire de la voie lactée, voire même du système solaire, pense Bob. Les recherches en astrophysique vont si vite, pense Bob : « Moi aussi, je suis fait de matière noire ».

Sur le mur, des traces d’œufs lancés avec de la peinture ; dans les poches de Bob, des miettes de pain ; et dans la vitrine, le gros visage sur la grosse affiche qui dit : « J’ai révolutionné le monde de la literie ». Il y a eu la révolution du meuble, la révolution du sommeil, la révolution du numérique. Il y a eu un tas de révolutions, c’est magnifique, mais on en veut encore, on en veut toujours plus. On veut faire des roulades, manger du pain croustillant et faire la révolution. Alors comme ça, se dit Bob, il y a eu la révolution du sommeil dans le monde de la literie. Une révolte, pas comme un marchand de sommeil, hein, c’est magnifique, mais comme un rêveur. Un rêve de révolte, pas un faiseur de rêve dans le monde capitaliste, un rêve de révolte dans le monde capitaliste.

Alors je pourrais dormir sur mes deux oreilles, se dit Bob. Sur l’écran du téléphone, un message apparaît : « Libère-toi de l’ordinaire » et là, Bob est debout au milieu de la rue, il rêve, on dirait qu’il sort du lit. L’atmosphère est toute embrumée et électrique, sa tête est lourde. « J’ai la tête lourde et dure comme fer », dit Bob. « Je n’ai pas sommeil, j’ai mal à la tête, c’est quoi cette odeur ? ». Dans les yeux et au fond de la gorge, c’est âcre, c’est dur comme fer, c’est âcre.

tout s’échappe
tout nous échappe
ça s’échappe ça sort du trou
ça sort de son trou ça y va
c’est qui qui s’échappe ? qui c’est
qui tente de passer au travers ?
qui c’est qui va sortir de sa réserve ?
qui se vide qui donne tout
qui s’en va qui y va car on va y aller
qui c’est qui va avec eux ?
qui c’est qu’est dans le cortège ?
qui c’est qui se protège ?
qui c’est qui donne l’alerte ?

c’est dans le cortex que ça se passe
que ça se vide que ça s’en va que ça y va
que ça va où ? que ça se charge et que vite
que cela s’échappe
c’est dans le cortex y’a un trou
d’où ça s’échappe qui grossit
qui va craquer et qui fait tout se vider
qui s’étire le trou qui fait que ça se vide
et que cela va finir tout petit
qu’elle va finir toute petite l’histoire
comme mes échanges administratifs
tout petit dans le cortex ça va finir

c’est le cortex qui fait que tout s’échappe
par partir on veut dire ça s’échappe
dans le trou d’échappement où ça y est
enfermé dans le mou qui fuit
s’échapper de partout tendre partout
et tout autour c’est meuble
ça devient mou tout mollasse
c’est tout meuble dans le cortex
c’est tout meublé
toute meublée la tête de pensées meubles
des meules de sens dans le cortex
de pensées qui travaillent dans des meubles

la tête est toute meublée et soft et rangée
quelque part douce liquide mais ça s’échappe
ça ne dure pas parce que c’est meuble et rangé
ça ne s’arrête pas parce que c’est pas fixé rien ne se fixe

tout s’échappe tout nous échappe
ça cherche les mots pour être directs
ça veut des mots durs mais ça fixe rien
c’est que des meubles ça fait que meubler
c’est pas des mots pour être direct.es
qu’on cherche dans tout ce rangement
dans les enseignes aux alentours
aux bords des rues au bord de la route
aux bords des bouches toujours ouvertes
on ne sait pas pourquoi on est toustes accroché.es
que c’est tellement meublé que ça s’accroche de partout
ça s’étire ça s’entoile autour de toi c’est de l‘étouffe
c’est de l’étouffe qu’on y goûte d’odeurs synthétiques
c’est tellement meuble mollasse une bouillie
que ça tombe qu’il faut s’accrocher pour ne pas tomber
s’accrocher aux meubles au porte manteaux
accroché.es à d’autres patères où
on se fixe le torse et tu deviens porte
manteaux tu t’accroches par la veste et rentre
dans le magasin

dans le magasin qui s’écarte qui t’échappe
on y va on va y revenir on va pas y échapper
qui est-ce qui s’échappe sans tout casser ?
qui c’est qui s’échappe quand tout s’échappe
qui c’est qui réussi à s’échapper quand tout nous échappe
que ça se casse et que ça s’étire et que ça grossit ?
qui c’est qui s’échappe sans tout casser ?
qui c’est qui s’échappe sans tout casser
pour avoir la paix ? pour avoir la paix c’est à dire
passer au travers pour sortir de sa réserve
comme tous les meubles
comme tout ce qui est meublé pour rester
cacher pour avoir la paix pour garder la dos large
pour devenir le trou d’où ça va s’étirer tout casser
pour avoir la paix et s’échapper

on essaie en plus d’exprimer des sentiments
on se prend au jeu pour avoir la paix
dans le magasin dans le cortex c’est tout meublé
partout tendre meublé partout tout s’échappe on tente
d’exprimer des sentiments mais rien ne se fixe
ça rajoute de la molasse à la mollasse sur tout
on est porte manteaux et rien ne bouge tu es fixé.e
mais rien ne bouge ! tout se colle dans le cortex
que des meubles que ça dure pas que rien ne dure
qu’on est jamais kit et que l’échappement se double
et que ça va se décrocher du porte manteaux
et se fixer ailleurs direct dans du mot
et pas dans du meuble à casser pour avoir la paix.

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