Nous sommes 2 militantes anarchistes qui avons subi des violences par un autre camarade dans le cadre d’une relation amoureuse. Il s’agit d’une personne que nous nommerons seulement par les initiales de son pseudo militant : M. et son prénom A. Il s’agit d’un homme cis hétéro blanc de 35 ans ayant milité principalement dans les milieux antifascistes autonomes franc-comtois et occitans. Aujourd’hui organisé dans des syndicats autonomes et le sport populaire.
Nous avons choisi de mettre nos témoignages à part en version téléchargeables. Nous sommes deux à avoir eu le courage de témoigner ainsi qu’une personne de l’entourage d’une des personne victime au moment des faits. Nous pensons que dans les cas de violences, l’entourage a un rôle à jouer. Ces témoignages ont été écrit lorsque nous nous sommes rencontrées et que nous avons échangé sur nos expériences de violences. Nous nous sommes aperçues que, bien que 10 ans séparent nos histoires, nous avons vécu beaucoup de choses similaires. (Avertissement : les témoignages feront mention de chantages, menaces, harcèlements, violences psychologiques, emprises et viols.)
Dans ce texte et les témoignages qui suivent beaucoup de choses ont été éludées pour des raisons évidentes de sécurité. Nous nous sommes donc pas appesanties sur la partie qui concernait les espaces de lutte. Mais il nous faut interroger les dynamiques à l’œuvre lorsque deux personnes militent dans les mêmes espaces et que les violences surgissent dans l’intime. Surtout lorsqu’il y a des rapports de domination entre les deux (blanc·hes / non-blanc·hes, cis / trans, hommes / femmes ect…). On observe des schémas qui se répètent et dans cette histoire et les espaces de lutte ont été des espaces de chantage, de pouvoir et d’isolement. Dans nos milieux, la question de l’emprise semble assez taboue bien que nos fonctionnements de groupe affinitaires et d’organisation peuvent aisément favoriser ces dynamiques. Nous sommes loin d’être débarrassé·es des chef·fes, iels sont toujours là. Si on est susceptibles d’analyser les biais de manipulation lorsqu’il s’agit du monde du travail, de dérives sectaires et/ou complotistes, etc.. les identifier dans nos milieux semble beaucoup plus difficile. L’emprise c’est invisible. Mais ça a des conséquences réelles. C’est une espèce de torture personnalisée où une personne vient s’infiltrer dans la tête de l’autre pour ne laisser aucun répit, jamais. On finit par croire ce qu’il dit, aimer ce qu’il aime, se comporter comme l’autre le souhaite sans même s’en rendre compte. Nous voudrons à travers ces témoignages apporter quelques pistes de réflexion pour rester vigilant·es quant à ces comportements mais aussi des ressources pour soutenir les victimes.
Quelques signaux d’alerte :
C’est une personne avec des privilèges systémiques : (mec cishet blanc, classe moyenne / moyenne sup, capital culturel, maitrise très bien les mots et les concepts politiques) Supporte mal la contradiction, est vite affublé de surnoms du type « le chef », « le dieu » en lien avec ses comportements. Prend de la place, se rend indispensable et incontournable, est dans le contrôle permanent, coup de colère alterné avec un masque social extrêmement gentil, toujours prêt à aider, à l’écoute. Entouré d’une cour d’admirateur·ices (souvent des personnes vulnérables humainement, fragile politiquement, jeunes et /ou qui commencent à militer donc malléables, sensibles et empathiques) Fait preuve d’une fausse humilité mais se met constamment en avant. Glisse assez vite dans la conversation de quelle orga il a été membre, ce qu’il a fait de « spectaculaire », ses coups d’éclats, les « stars » du milieu militant qu’il côtoie, etc… Et ce, toujours en surévaluant son implication...et avec une dose d’humilité savamment dosé pour ne pas paraître prétentieux. Utilisation +++ de la violence qui n’est jamais questionnée mais plutôt valorisée. Mise en concurrence / compétition ou conflit des femmes qui ont relationné avec lui (d’ailleurs la plupart de ces ex ont arrêté de militer et il n’hésite pas à dénigrer auprès des autres camarades ses ex partenaires que ce soit sur le plan politique ou humain. Ce qui sème le doute voire crée des conflits entre des camarades) Discours profeméministe bancal : est capable de tenir des discours féministes de surface, sait manier les concepts attendus mais utilise des rhétoriques masculinistes dans l’intime / instrumentalise les traumas de ses partenaires. Lien vers des brochures pour soutenir des personnes ayant vécu des violences sexistes et sexuelles au sein du couple.
Nous dénonçons cette personne publiquement pour plusieurs raisons :
Il lui a été signifié depuis 3 ans qu’il avait commis des viols. Il n’a jamais répondu à la demande de discussion de la victime. Il est temps d’abandonner l’idée qu’il veuille entendre un jour. Nous pensons d’ailleurs que ce genre de personne manipulatrice est incapable d’entendre quoi que ce soit ou se remettre en question. Son fonctionnement étant basé sur la destruction et la domination de l’autre, plus toute la culture du viol autour qui l’encourage, nous n’avons aucun espoir de perspectives de changement significatif de sa part. Nous pensons également qu’il est suffisamment manipulateur pour retourner toutes tentatives de discussions ou de médiations à son avantage. Nous souhaitons protéger les futures victimes. On espère que ce texte et ces témoignages permettront au moins aux futures victimes de se rendre compte plus vite des violences qu’elles subissent, d’identifier des schémas de fonctionnement, de leur assurer des camarades en soutien. Pour les anciennes victimes qui n’ont pas voulu ou pas pu poser de mots sur ce qui leur étaient arrivé, nous souhaitons leur apporter notre soutien et leur signifier que nous sommes disponibles pour échanger avec elles si elles ont besoin. Pour casser les « boy’s club » et ses réseaux de soutien qui isolent les victimes. Comme tout bon « chef » et comme tout bon manipulateur, il bénéficie de sa cour d’admirateur·ices qui font semblant de ne pas voir. Le soutien dont il bénéficie, l’isolement des victimes qui en résulte ainsi que le peu d’espaces pour les victimes de témoigner en toute sécurité nous oblige à nous imposer dans l’espace public pour montrer ce que certain·es refusent de voir. Ses agissements ne sont rendus possible que par la complicité silencieuse (ou parfois assumée) de l’entourage. Certain·es ont été berné·es par ses mensonges et sont tombé·es sous son emprise, d’autres ont clairement fait le choix de soutenir ces agissements. Pour cesser de banaliser ou minimiser les violences sexistes et sexuelles dans nos milieux. Ce n’est jamais des cas isolés mais une multitude d’histoires qu’il faut affronter collectivement.
Nous demandons :
A être crues, entendues et prises au sérieux. Ne pas minimiser ou sous-estimer le danger. C’est une personne très intelligente et extrêmement dangereuse, capable de manipuler, de mentir et d’être violent avec ses partenaires. De ne pas lui trouver d’excuses ou de chercher à minimiser ses actes. On a pu entendre des justifications lamentables aux violences que nous avions vécues du style : « Il ne va pas bien. ». Au contraire il ne s’en sort pas trop mal pour quelqu’un qui viole et détruit psychologiquement ses partenaires. Et même si c’était le cas, le fait de ne pas aller bien ne justifie, ni n’excuse, ses comportements. Tout comme l’empathie à sens unique pour les violeurs est difficilement défendable politiquement.
« C’est un camarade efficace ». Si le fait qu’il ait pu être efficace à certains endroits et certains moments dans la lutte justifie de détruire des partenaires elles aussi efficaces ça démontre juste vos biais sexistes et où se place votre empathie. Un camarade efficace ne fait pas en sorte que d’autres camarades quittent le milieu militant traumatisé·es.
Que ce texte ne soit pas instrumentalisé. Merci de ne pas utiliser nos traumas et nos violences vécues pour régler vos différents politiques, pour régler des comptes persos, pour décrédibiliser tout un mouvement entier ou le travail politique qui aurait pu être fait en présence de cette personne. En revanche, à la place, vous pouvez choisir de combattre réellement les dynamiques d’oppressions dans nos milieux. Que cette personne ne puisse plus avoir de tribune, de pouvoir dans nos espaces politiques. L’aura militante et le pouvoir qui lui ont été accordé jusque-là ont permis une emprise et un isolement d’autant plus forte sur ses victimes. Cela lui a également permis de prédater plus facilement et de mettre en confiance ses futures partenaires. Nous demandons à ce qu’il soit considéré pour ce qu’il est : un violeur et un manipulateur qui sait très bien ce qu’il fait et qui reproduit avec ses partenaires des schémas de violences destructrices. Ne pas nous confisquer notre parole et nos choix. Nous souhaitons être averties des décisions prises concernant cette affaire de viols. Nous ne souhaitons pas voir ce texte diffusé hors réseaux militants. Nous ne voulons pas que ce texte soit diffusé sur les réseaux sociaux.
Pour nous écrire : simb@riseup.net
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info